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ARTICLE 07 septembre 2021

Vaccins contre la COVID-19 : du rejet à la pénurie, comment la Côte d’Ivoire est devenue un modèle de gestion de la défiance

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Un homme se fait vacciner contre la COVID-19 au centre de vaccination du Parc des Sports de Treichville, Abidjan Côte d’Ivoire. © Erick Kaglan, Banque mondiale. 


LES POINTS MARQUANTS

  • En février 2021, les efforts de vaccination entrepris par la Côte d’Ivoire pour sauver des vies et endiguer la propagation du coronavirus se heurtent à une vague de mésinformation et une faible adhésion de la population
  • Les pouvoirs publics se lancent alors dans une campagne nationale de sensibilisation, déployant des cliniques itinérantes et s’appuyant sur les influenceurs, les guides religieux et les leaders communautaires
  • Une stratégie payante pour le pays qui a réussi à passer de 2 000 personnes vaccinées par jour à plus de 20 000 personnes

ABIDJAN, le 7 septembre 2021—Un mois après le lancement en fanfare de la campagne de vaccination, le grand enthousiasme suscité par la livraison de 504 000 doses d’AstraZeneca le 26 février 2021, a vite cédé la place à de grosses inquiétudes provoquées par une très faible adhésion de la population cible. Le 30 mars, la Côte d’Ivoire recensait seulement 40 153 doses inoculées. La semaine suivante, le Conseil national de sécurité, présidé par le Président Alassane Ouattara en personne, décide d’élargir l’accès au vaccin anti-Covid19 à tous les Ivoiriens âgés de plus de 18 ans pour accélérer la cadence. Pas de changement majeur, la méfiance à l’égard des vaccins reste vive à Abidjan où les rumeurs les plus folles se répandent comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.  

« On nous a dit que le vaccin Covid-19 a été fabriqué par les Occidentaux pour tuer les Africains » 

« Yopougon est un quartier de rumeurs ; ici nous croyons plus au bouche-à-oreille ». Dans la plus vaste commune d’Abidjan qui compte plus d’un million d’habitants, comme presque partout dans le pays, « les rumeurs sont plus puissantes et vont plus vite que les appels des autorités ».

Mais le geste d’Olga est loin de faire l’unanimité. Alors qu’ils sont capables d’accueillir jusqu’à 300 personnes par jour, les centres de vaccination de la capitale et ses environs peinent à atteindre 20 personnes. Au total, la cinquantaine de centres ne parvient qu’à vacciner 2 000 personnes par jour. À ce rythme, de nombreuses doses de vaccins risquent d’expirer et de finir à la poubelle.  

On est loin de l’objectif des autorités sanitaires de vacciner 10 millions de personnes, soit 40 % de la population d’ici la fin de l’année, et 57 % avant décembre 2022. « On nous a dit que le vaccin contre la COVID-19 a été fabriqué par les Occidentaux pour tuer les Africains, car la pandémie n’a pas suffisamment atteint l’Afrique », explique Olga Gneppa. « D’autres nous disaient qu’il entraînerait la coagulation du sang dans les veines et nous tuerait mais maintenant que le ministre est venu nous expliquer, on a compris que tout cela était faux. » 



Tuer la rumeur ou perdre la bataille  

Mi-avril, Pierre Dimba, tout juste nommé ministre de la santé fait le même constat : l’infox  se propage sur les réseaux sociaux, décourage les candidats au vaccin et plombe la campagne de vaccination en Côte d’Ivoire. De son côté, Mamadou Samba, directeur général de la santé a beau s’évertuer à répéter les mêmes faits scientifiques rassurants, « Nous n’avons recensé aucun cas grave d’effets secondaires d’AstraZeneca. Ce vaccin est très sûr et de nombreux pays l’utilisent », il se heurte à un mur de méfiance qui s’est forgé dans les milieux populaires et même chez des jeunes cadres pourtant censés relayer les messages de sensibilisation auprès du grand public.  

Dans l’immédiat, il faut convaincre des dizaines de milliers d’Ivoiriens de l’efficacité des vaccins et surtout couper court aux folles rumeurs sur les effets secondaires néfastes, voire mortels des vaccins d’AstraZenecca. Pierre Dimba multiplie les consultations avec les acteurs clés au niveau national et les organismes internationaux. Il implique le maximum de canaux de diffusion, notamment les influenceurs sur les réseaux sociaux, les guides religieux et les leaders communautaires ainsi que les élus locaux. Car « il en va de la survie de notre population et en intensifiant les campagnes de vaccination sur les marchés et dans les lieux de culte, nous espérons atteindre rapidement l’objectif de vacciner près de six millions de personnes dans l’ensemble du pays. » 

Le gouvernement étend aussi la campagne de vaccination à l’intérieur du pays. Il déploie des cliniques mobiles : de grands bus médicalisés qui sillonnent les endroits les plus fréquentés pour sensibiliser, mobiliser et vacciner les populations. Cette nouvelle stratégie exige de gros moyens financiers et logistiques et la Côte d’Ivoire peut compter sur un allié important. 

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La campagne de sensibilisation lancée par le gouvernement pour faire face à la faible adhésion de la population a permis à la Côte d’Ivoire  d’accélérer le rythme des vaccinations. © Erick Kaglan, Banque mondiale.

Une référence internationale 

En avril, la Banque mondiale, qui avait déjà consacré plus de 75 millions de dollars à la lutte contre la COVID-19 dans le pays, octroie un nouveau financement de 100 millions de dollars au gouvernement ivoirien par le biais de l’Association internationale de développement. Objectif :  faciliter l’acquisition de nouveaux vaccins contre la COVID-19 et booster la campagne nationale de vaccination afin de limiter la propagation du coronavirus.  

Ce financement additionnel, qui intervient dans le cadre du Projet d’appui au Plan national de riposte à la COVID-19, vise à permettre à la Côte d’Ivoire de diversifier ses sources d’approvisionnement en vaccins, d’assurer un déploiement efficace au niveau national et de soutenir les efforts de sensibilisation. Il a permis de prendre en charge les coûts logistiques de mise en œuvre et d'intensification de la campagne. Notamment, le déploiement des vaccins dans les 113 districts sanitaires que compte le pays et l’opérationnalisation de 12 cliniques mobiles à Abidjan.   

Parallèlement, les spécialistes en santé et en communication de la Banque mondiale s’impliquent aux côtés des équipes gouvernementales pour donner un nouveau souffle à la campagne de mobilisation communautaire et intensifier la communication autour du vaccin. Résultat :  les semaines suivantes.

La demande est montée en flèche érigeant la Côte d’Ivoire en modèle international de réussite de gestion des mouvements antivax. « Maintenant, notre centre est pris d’assaut dès le matin et nous vaccinons au moins 300 personnes par jour », se réjouit le docteur Adèle Telly, chef du centre Covid-19 du Parc des sports de Treichville. Début de juillet, le pays dispose de plus de 300 sites de vaccinations fixes et mobiles.  

Mais alors que la campagne de sensibilisation porte ses fruits et la demande de vaccins augmente, le gouvernement a dû faire face à la pénurie de vaccins sur le continent.



Les vaccins maintenant, pas demain 

Bien que la situation varie d’un pays à l’autre,   en moyenne, moins de 3 % de la population africaine est vaccinée. Cette situation est « inacceptable et doit changer», constatait mi-juillet, le directeur général des opérations de la Banque mondiale, Axel van Trotsenburg, lors d’une visite à la clinique mobile du marché d’Adjamé Forum, vaste centre commercial à l’air libre dans le centre d’Abidjan, en amont d’un sommet des chefs d’État africains sur la reconstitution des fonds de l’IDA, principale source de financement du développement et de la lutte contre la pandémie de COVID-19 sur le continent.  

, insiste Axel van Trotsenburg. La Banque mondiale a mis 20 milliards de dollars de financements à la disposition des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire afin d’assurer l’achat et la distribution de vaccins, de tests et de traitements anti-COVID et de renforcer leurs systèmes de vaccination.  

Ces financements s’inscrivent dans le cadre plus large de la réponse déployée par le Groupe de la Banque mondiale face à la pandémie, qui aide actuellement plus de 100 pays à renforcer leurs systèmes de santé, protéger les ménages les plus pauvres et préserver les emplois et les moyens de subsistance des populations les plus durement touchées. 

Récemment, l’Union africaine, qui collabore étroitement avec la Banque mondiale, a pris l’initiative de négocier, au nom des pays africains, avec Laboratoires Johnson and Johnson la production de 400 millions de doses de vaccin destinées au continent dans le but de vacciner 40 % de la population d’ici la fin de l’année et 60 % d’ici juin 2022. Début septembre, plus de 100 000 doses de vaccins ont été envoyées en Côte d’Ivoire.  

 




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